Lorsque la poussée de l’automobilisme commence à se faire sentir vers 1935, le train apparaît de moins en moins comme un incontournable, surtout depuis que la route 11 a commencé à être déneigée de façon systématique entre 1930 et 1941. Quand l’Avenir du Nord annonce le 17 octobre 1930 que la route Montréal-Saint-Jérôme serait désormais ouverte durant l’hiver, on venait de préparer la sortie du rail. Le déneigement de la route 11 se poursuit jusqu’à Sainte-Agathe en 1937, puis jusqu’à Mont-Tremblant dès 1941, ce qui fait dire à la très vénérable The Gazette (le 12 décembre 1938) que c’en était fait du chemin de fer si on continuait de permettre aux véhicules automobiles de rouler l’hiver. L’imparable facteur espace-temps saute pourtant aux yeux lorsque l’on compare le train à l’automobile : il faut compter 1 h 33 à partir de la gare de Montréal pour atteindre Shawbridge selon l’horaire du C.N. alors que la route 11 permet une économie de temps et plus de souplesse pour se rendre dans les Pays d’en Haut. Ce n’est pas un hasard si le gouvernement québécois lance le projet d’une autoroute à trois voies qui est réalisée en 1959, de Montréal jusqu’à Saint-Jérôme.
La notoriété était pourtant déjà réelle vingt ans auparavant. Nous résumons ici brièvement ce qu’en dit le guide du touriste de 1929, publié annuellement par le bureau provincial du tourisme de la province, [Sur les routes du Québec], en page 387, une louange qui est presque un affront à la route 2 et son chemin du roi. On y souligne que la section Montréal-Mont-Laurier de la route 11 est à la fois la plus ancienne et la plus célèbre au point de vue touristique. Les municipalités de cette région sont à peu près toutes des centres de villégiature fréquentés par les citadins et les touristes, qui y trouvent des pensions confortables et des activités variées, que ce soient la chasse, la pêche, la baignade, le canotage, le golf, le tennis, l’équitation, et en hiver, le ski et la raquette.
Sur son tracé original, la route 11 traversait les municipalités de Lesage et Shawbridge, enjambait la rivière par le pont Shaw et traversait ensuite l’ancien Prévost pour ensuite longer le tracé du chemin de fer du C.N. sur trois kilomètres avant de d‘atteindre Piedmont. On l’appela aussi Route nationale tant à Shawbridge qu’à Prévost. Le mythe s’installa sur cette route qui inspira même Jean Pierre Ferland avec sa chanson « À 100 milles à l’heure sur la route 11 », une allusion à peine voilée sur les 16 kilomètres en parfaite ligne droite à partir de Sainte-Thérèse jusqu’à Saint-Jérôme, que l’on avait baptisé à juste titre la Grand’ligne, et qui invitait à la vitesse.